Tendances & mode de vie

Le café est cueilli… Et après ?

Au même titre que la variété et la torréfaction, le traitement (aussi appelé process) occupe une place prépondérante dans la chaîne de transformation du café. Cette étape clé est effectuée par les producteurs eux-mêmes qui valorisent ainsi un savoir-faire traditionnel. Celui-ci évolue nettement ces derniers temps, alors qu’il est l’objet d’intenses recherches et expérimentations.

La fermentation ! Les baristas candidats aux championnats internationaux l’évoquent de manière plus appuyée depuis quelques années. Et le sujet semble devenir, si l’on se réfère à leur point de vue, une notion cruciale au moins pour la réussite de leur compétition. Phénomène de mode ? Effet de lobbying ? On peut se poser la question en ces termes. Amsterdam 2018, Agneszka Rojewska remporte les championnats du monde de barista avec un café expérimental, reprenant les principes de fermentation utilisés dans l’univers du vin. Cette recherche était menée par son coach, lui-même titré 3 ans plus tôt dans la même discipline. Entre temps, les baristas ambitieux se sont rapprochés des personnalités influentes de la communauté internationale du café. Ils signent des associations créant des attelages « baristas-coachs ». Fort présents en pays producteurs, avec des relais sur les réseaux sociaux, ils restent cependant éphémères. Au cœur de l’enjeu, remporter un championnat du monde avec un café d’expérimentation (nouvelles variétés ou encore fermentations inédites), pouvant avoir par la suite un succès commercial auprès du consommateur. Les prix alors pratiqués peuvent s’envoler. La mécanique est désormais bien huilée et profite à une partie de la chaîne. Les producteurs ont perçu l’avantage qu’ils pouvaient en tirer. Wilford Lamastus (propriétaire de la Finca Elida au Panama) expliquait ceci lors d’une masterclass en France : « Je ne faisais que des cafés lavés ou natures, avec de très belles variétés et mon entourage m’a convaincu de me mettre à ces méthodes de fermentation en vogue ». Reconnaissant que son café eût permis à son fils de terminer 8è aux championnats du monde de Brewers Cup* (Milan – octobre 2021).

 

Du lavé à l’anaérobique

Avant d’aller plus loin, donnons cette notion de base à propos de l’une des étapes clé de la transformation du café. Les traitements ou process ont ce rôle de débarrasser le café de son enveloppe, mettant en action les micro-organismes dans l’écosystème du café vert.

Pour cela plusieurs méthodes existent.

La traditionnelle ou nature (dite voie sèche) consiste à laisser fermenter les cerises tout juste cueillies. Elle s’est développée sur une problématique : la difficulté géographique et économique d’accéder à l’eau.

D’autres méthodes dans d’autres zones de production caféières comme en Amérique latine, les producteurs ont su développer la méthode lavée. L’utilisation de l’eau pour la fermentation des cafés s’est ainsi largement imposée. La qualité croissante des cafés cultivés, la capacité d’innovation en matière de traitement poussent actuellement les producteurs à proposer de plus en plus d’options novatrices. Poussés par le mouvement du Café de Spécialité, des baristas et au bout de la chaîne, celui des torréfacteurs. La course à la nouveauté, la nuance, l’effet « waouh » que confirmait un juge international en 2019 avant les championnats du monde : « Nous attendons de la part des baristas qu’ils nous surprennent, il nous semble que nous avons goûté tous les cafés possibles ». La tendance est clairement à l’innovation en matière de traitement post-récolte, après l’engouement partiellement retombé pour les variétés comme le Gesha ou les séries SL (Scott Lab) qui ont fait le succès de certains baristas.

Les expériences se multiplient et on les justifie diversement selon les approches. Tel torréfacteur prône les fermentations en anaérobie afin de s’adapter aux effets du réchauffement climatique. D’autres se projettent dans une démarche marketing et espèrent se démarquer. Et le goût dans tout cela ?

 

En quoi consistent l’anaérobie dans le café ?

Les expérimentations semblent nouvelles en matière de fermentation. Et pourtant, elles ne le sont pas vraiment. Car les producteurs ont toujours procédé à ce phénomène. Désormais, il est question d’une plus grande maîtrise des fermentations. L’idée est d’influencer le résultat en tasse pour davantage de subtilités ou nuances. Les professionnels de la dégustation de café rechercheront « la complexité », signe d’une diversité d’arômes.

Quand les cerises de café sont stockées dans un contenant appauvri en oxygène, le processus de fermentation se développe. Comment la maîtriser ? Notamment par la durée d’un temps de fermentation qui peut aller au-delà des 96 heures. Les résultats en tasse ne sont jamais gravés dans le marbre, la règle qui prévaut : tester, tester et encore tester. Les excès de fermentation peuvent révéler des défauts. Pour éviter cela, il est possible alors de contrôler l’ensemble des paramètres : le niveau d’oxygène (que l’on peut extraire progressivement pendant le processus), la température à l’intérieur de la cuve, le choix de son matériau (plastique ou acier inoxydable), le temps de fermentation qu’il faut adapter le plus précisément possible. Ceci est l’anaérobie.

 

Et l’aérobie ?

On retrouve l’ensemble des méthodes de fermentation (lavé, nature, honey…) où le processus traditionnel consiste à exposer les cerises de café sans se soucier de la présence d’oxygène. La fermentation dans des cuves d’eau, sur des lits de séchage ou des patios (à même le sol) vont être considérées comme des fermentation aérobie.

Les initiatives se multiplient. Et cela peut se traduire chez le torréfacteur par une infinité d’offres. Trouverons-nous un jour chez le torréfacteur un Gesha nature à fermentation anaérobique 75 heures… alors que son concurrent pourra peut-être proposer le même café fermenté 35 minutes de plus ? Nous n’en sommes pas là, mais les fermentations envahissent les têtes, les podiums et les torréfactions, de plus en plus.

 

 

Reconnaître la méthode de traitement post-récolte

 

Les méthodes dites aérobiques

Lavé : Les cerises de café fermentent dans des cuves remplies d’eau

Nature : La fermentation des cerises se fait par voie sèche ; le producteur les laisse sécher à l’air libre sur des lits africains ou sur des patios

Honey : Les cerises de café fermentent selon une méthode reprenant les deux précédentes ; les cerises sont partiellement débarrassées de leur mucilage (par un passage en cuve d’eau par exemple), puis vient la seconde partie de la fermentation par un séchage à l’air libre. Il se forme alors un agglomérat de café, mucilage et grain ressemblant à du miel.

La méthode anaérobique

Dès la fin de la cueillette les cerises sont conservées dans des cuves appauvries en oxygène où sont contrôlés différents paramètres : température, niveau d’oxygène, temps de fermentation…

 

*La Brewers Cup est l’une des épreuves de baristas dédiées aux méthodes douces (autrement dit extraction du café à l’aide d’une cafetière filtre manuelle).