Histoires et interviews

Alexis Gagnaire (co-fondateur de Kawa) – Des cafés fermentés du Rwanda à ceux de Paris

Après une expérience dans la finance outre-manche, Alexis se lance dans le Café de Spécialité. Pas seul et à la faveur de voyages en pays producteurs qui lui ont permis de créer Kawa. Cette torréfaction artisanale parisienne est désormais bien installée dans le paysage. Avec une passion pour les méthodes de fermentation post-récolte. Le Coffee Lounge a rencontré Alexis.

Le Coffee Lounge : Alexis, vous cogérez Kawa, comment vous présenter en quelques mots ?

Alexis Gagnaire : Je ne viens pas du monde du café, mais de celui de la finance. J’étais à Londres quand tout a commencé et où j’ai découvert le Café de Spécialité. La suite se tient d’abord en France où je suis sidéré de voir que l’offre est loin de ce qui se passe en Angleterre. Dans la foulée, c’est une succession de voyages en pays producteurs : la Colombie, le Brésil…

Puis, je commence à torréfier à The Beans en Fire*. Ce sont les vrais débuts qui m’amèneront à imaginer des blends plutôt consensuels. C’était il y a 5 ans.

Mais globalement, mon arrivée dans le café sonnait comme une nécessité de travailler dans un domaine qui me passionne et fasse sens.

 

Le Coffee Lounge : Vous parlez de blends, quelle place cela prend-il dans votre offre au côté des cafés mono-origines ?

Alexis Gagnaire : Les mélanges font vraiment partie de notre signature et nous essayons de bien différencier notre offre auprès de nos clients on-line. Ceci pour répondre au mieux aux différents besoins. Par exemple pour les expressos, notre conviction est qu’il est préférable de créer des cafés sucrés avec peu d’acidité. Nous préconisons la simplicité et une approche consensuelle.

En revanche les cafés plus spécifiques, comme les single origins, révéleront plus de complexité fruitée en préparation filtre. Vraiment, la création de blend est une stratégie de Kawa depuis le début parce qu’il a fallu consolider le modèle économique et aussi pour une raison pratique évidente : nous avons commencé l’aventure avec un torréfacteur 35kg. Il est impensable de torréfier des micro-lot sur ce genre de gabarit de machine. Aujourd’hui, nous avons un 7kg qui nous permet de peaufiner la torréfaction de ces cafés spécifiques et d’imprimer notre style. Chaque café est un nouveau challenge.

Les mélanges n’échappent pas à la règle, car la question de l’équilibre des cafés que l’on assemble se fait à la nuance près.

 

Le Coffee Lounge :  Quel est votre avis sur la question de la traçabilité en matière de mélange ? Y-a-t-il, selon vous, la même précision qu’avec les single origins ?

Alexis Gagnaire : Nous essayons d’apporter cette traçabilité que demandent de plus en plus les consommateurs. Nous travaillons avec une ferme et notamment une coopérative au Pérou qui façonne un blend spécifiquement pour Kawa. A cela s’ajoute également une plantation au Brésil.

Ces trois partenaires sont mis en valeur sur nos packagings. Mais reconnaissons qu’il est difficile d’être exhaustif dans l’énumération des origines, des variétés, des process utilisés.

 

Le Coffee Lounge : Vous avez évoqué des voyages en pays producteurs. Lesquels vous ont particulièrement marqué ?

Alexis Gagnaire : Sans hésiter la Colombie et le Salvador. Je pars en Colombie et je fais tout pour trouver les bons contacts pour visiter les fermes et rencontrer les gens dans le café. Tout s’est très bien enclenché. J’ai eu la chance de faire la connaissance de Valentina Duque qui a travaillé pour Starbucks. Son projet en Colombie consiste à exporter, mais aussi à conserver les bons cafés à destination du marché domestique. Elle accompagne les caféiculteurs souhaitant évoluer dans le Café de Spécialité. C’est lors de ce voyage que je suis entré dans l’univers du café en découvrant des choses extraordinaires. C’est une expérience qui a nourri mon futur métier de torréfacteur et la prise de conscience qu’il doit avoir de tout le travail que constitue le circuit du café vert.

Au Salvador, je pense avoir passé un cap supplémentaire d’un point de vue caféiculture. Nous avons décidé d’acheter l’intégralité de la récolte d’un fermier qui se lançait dans le Café de Spécialité. On a expérimenté l’achat de café vert, nous avons participé à la récolté, au process en en testant différentes méthodes (honey, naturel…). En prenant ce risque de passer en direct, on a aussi pris conscience de l’importance du rôle de l’importateur qui peut apporter une structure et une sécurité pour les torréfacteurs. Car lui seul a la connaissance des particularités de chaque pays et des problèmes qu’elles peuvent poser.

 

Le Coffee Lounge :  Qui sont les consommateurs de Kawa ?

Alexis Gagnaire : Avec le confinement, nous avons gagné pas mal de particuliers. Notre sélection de cafés a plu aussi à ceux qui affichent une exigence de coffee geek. On n’en trouve pas seulement en France, mais un peu partout en Europe. Et très étrangement, nous bénéficions d’une très belle notoriété en Turquie, au Portugal.  C‘est le fait d’une communauté d’amateurs qui s’est passé le mot. Le web contribue beaucoup à notre développement, mais c’est aussi grâce à nos partenaires coffee shops en France et en Europe. Avec des pistes de ventes aux Etats-Unis.

Autre axe de développement, la partie B to B. En entreprise aussi, on peut boire du café Kawa.

 

Le Coffee Lounge : Et en restauration ?

Alexis Gagnaire : C’est plus compliqué si on se décide de prospecter. En revanche, nous avons des appels entrant de restaurateurs qui ont une démarche volontaire d’accéder au Café de Spécialité, de payer le prix qu’il faut, en s’adressant à un artisan.

 

Le Coffee Lounge : Vous avez évoqué des nouveautés. En plein été, à quoi peut-on s’attendre ?

Alexis Gagnaire : Les cafés du Nicaragua arrivent (fin juin-début juillet), avec différentes variétés et des process intéressants. Nous allons réceptionner un Laurina naturel, un Java et un Yellow Pacamara (qui est une variété assez rare) proposée en fermentation anaérobique.

 

Le Coffee Lounge : Quel réel débouché propose ces « process à la mode” comme la fermentation anaérobie ?

Alexis Gagnaire : C’est un peu ce en quoi nous croyons chez Kawa. On s’oriente vers ces cafés, car avec le réchauffement climatique, nous avons besoin de trouver des alternatives.

Il est de plus en plus difficile de trouver des beaux cafés d’altitude. Devant ce constat, depuis 2019, on s’est intéressés à ces process en anaérobie, semi-carbonique ou des skin contact (mettre la peau de la cerise dans la fermentation). On va trouver ces techniques en Ouganda ou par exemple au Rwanda où la fermentation en skin contact se fera dans des pots en terre cuite traditionnels. La réalité est que cela permet d’apporter de vrais goûts que l’on peut orienter à notre guise. Au détriment parfois des marqueurs du terroir, ce qui peut être troublant. D’autant que certaines fermentations peuvent se ressembler. Et dans ce contexte, on note que le rôle de la variété et des process va être déterminant.

 

Le Coffee Lounge : Quels projets sont à venir ?

Alexis Gagnaire : Nous allons mettre en lumière une fonctionnalité du modèle PrimaDonna de De’longhi dont la dernière version du broyeur peut se régler à partir de l’application.

Par exemple, il sera possible de modifier la taille de la mouture à volonté : plus fine pour un café clair et plus grossière pour un café plus torréfié. Ceci s’ajoute également à la possibilité de varier la température qui permet d’optimiser la qualité du café en tasse. Le point de départ de l’expérience du consommateur se situe chez l’artisan-torréfacteur qui peut apporter toute la connaissance quant aux réglages. Avec ce focus sur le moulin, on comprend

 

Le Coffee Lounge : Comment feriez-vous pour surprendre vos clients à la recherche d’un café à part ?

Alexis Gagnaire : Oh… Nous avons expérimenté la culture du café à Paris. Donc, nous avons un authentique café Made in Paris ! Nous avons récolté des cerises de quelques plants d’Arabica dont nous ne connaissons pas la variété. Evidemment, c’est un café de très basse altitude. Nous avons respecté toute la chaine de production. Cela a permis à toute l’équipe de bien évaluer ce qu’est la culture du café. Nous avons récolté 1,5 kg de cerises pour obtenir 120 grammes de café.

 

Le Coffee Lounge : Pour finir, quel serait votre café préféré ?

Alexis Gagnaire : Certainement un Pacamara de Colombie. Pour sa simplicité par rapport au Gesha qui a été très intellectualisé. Les tasses ressortent souvent très fruitées avec une magnifique sucrosité. J’aime ces cafés qui parlent aux gens.

 

*Torréfaction collaborative à Paris

 


 

Au Rwanda, la fermentation en skin contact se fera dans des pots en terre cuite traditionnels

 

Avec le réchauffement climatique, nous avons besoin de trouver des alternatives

 

Nous avons expérimenté la culture du café à Paris

 

Alexis Gagnaire fun facts

  • Co-fondateur de Kawa
  • Champion de France d’AeroPress 2019
  • Q-Grader
  • Formateur et démonstrateur sur l’équipement de torréfaction Loring

https://kawa.coffee

 

Lorem ipsum dolor sit amet consetetur sadipscing elit?

Articles connexes