Histoires et interviews

Lionel Galut « Le Café de Spécialité : Le consommateur participe aussi à cette aventure »

Directeur général et co-fondateur de MaxiCoffee et Cafés Lugat, Lionel Galut nous a accordé, un entretien exclusif dans lequel il évoque sa proximité -voire son intimité- avec le café. Ses débuts, ses engagements, ses rencontres avec les producteurs de cafés qu’il tient en haute estime, tous les sujets qu’il aborde n’en sont que plus passionnants. Rencontre effectuée quelques jours après le Paris Café Festival.

Le Coffee Lounge : Quel bilan tirez-vous du Paris Café Festival ?

Lionel Galut : Je suis content, c’était dense, j’ai vu beaucoup de monde. Mais c’est aussi pour cela que l’on participe à ce genre d’événements. Pour nous, avec la marque de torréfaction Lugat, nous estimons que nous devons nous montrer pour que l’on nous identifie comme un acteur de la filière. D’autant que cela nous permet de rencontrer nos clients pour leur dévoiler qui se cache derrière la marque. On en profite, bien entendu, pour avoir des retours en temps réel de la part des consommateurs. En résumé, cela rajoute au plaisir de retrouver les amis de la filière.

 

Le Coffee Lounge : Le Paris Café Festival réunit les acteurs du Café de Spécialité. A-t-il été difficile pour votre marque de s’imposer au sein de cette communauté ?

Lionel Galut : Disons que nous avons d’abord essayé de développer nos produits avant de créer une marque. Ce qui est souvent le réflexe. Dans un premier temps, nous avons proposé une offre café qui s’est différenciée dès le départ. Puis grâce à l’audience générée par le site MaxiCoffee, il a été possible d’imposer petit à petit du Café de Spécialité. D’où Cafés Lugat qui est plébiscitée par les consommateurs. Désormais, la marque est partie intégrante de la filière.

 

Le Coffee Lounge : Mais, quel est le fait qui vous a conduit à vous lancer dans le Café de Spécialité ?

Lionel Galut : Des convictions personnelles… Et l’une d’entre elles consiste à ne jamais prendre parti pour tel ou tel café. Nous avons pour objectif de toujours coller aux attentes du consommateur. Ceci est sous-tendu par une prise de conscience : le café est une filière complexe et fragile. Partant de là, nous nous proposons d’apporter aux clients une meilleure compréhension des enjeux. Ils peuvent autant concerner les aspects de la torréfaction que le produit à l’origine lorsqu’il est encore chez les producteurs. Nous sommes persuadés que montrer la manière dont le café est cultivé, récolté, traité, fermenté intéresse l’amateur. Ainsi, à force de pédagogie il détient les clés pour faire ses propres choix et participe également à cette aventure. On sait en tous les cas qu’imposer n’aboutit pas forcément à l’adhésion. C’est peut-être cette démarche qui permet aujourd’hui de constater que le Café de Spécialité représente 25% de l’ensemble de nos activités.

 

Le Coffee Lounge : Comment s’y prend-on pour convertir un consommateur on-line quand on ne peut pas lui faire goûter le café comme c’est le cas dans une boutique physique ?

Lionel Galut : Nous avons pour principe de prendre le client là où il est et de l’amener gentiment, par de la pédagogie, à s’ouvrir à autre chose. On ne lui pose pas de questions sur son niveau de connaissances du Café de Spécialité. On fait en sorte de l’exposer à des contenus, notamment, sur les pratiques agricoles et bien d’autres sujets. Ceci pour lui faire comprendre qu’il y a des différences de qualité de la matière brute en fonction de ce qu’il se passe à l’origine*. Et cela a forcément des conséquences sur ce qu’il a en tasse. Dans la foulée, il sera dans de meilleures dispositions pour découvrir d’autres goûts. Ceci étant dit, on a remarqué ce comportement : une partie de celles et ceux qui ont découvert le Café de Spécialité reviennent à leur choix initial.

 

Le Coffee Lounge : On ne convertit donc pas à tous les coups ?

Lionel Galut : Non parce que c’est la vie et nous en sommes conscients. Dans le Café de Spécialité, il est admis que le style de torréfaction correspond à des profils « light roast »**, mais nous pourrions imaginer qu’avec une cuisson plus sombre des mêmes cafés dits de Spécialité, nous pourrions sans doute en convaincre davantage.

 

Le Coffee Lounge : Petit retour en arrière et en regardant ce qu’est devenu MaxiCoffee, que vous dites-vous ?

Lionel Galut : Soyons honnêtes, nous avions des ambitions pour MaxiCoffee, mais nous n’imaginions pas une telle trajectoire. Nous avons pris le train en marche d’une mouvance qui a explosé à la fin des années 2000. Nous étions aux côtés d’autres acteurs de la filière avec l’envie de changer les modes de consommation, sans pour autant que nos ambitions soient démesurées. Nous voulions porter notre voix qui nous paraissait décalée par rapport à d’autres. Il faut se rappeler qu’à ses tout débuts, le créneau de MaxiCoffee n’était pas celui du Café de Spécialité. On a tenté un positionnement à contre-pied, notamment en termes d’équipements. Très rapidement, nous avons proposé à la vente des robots-broyeurs alors que le segment était à l’époque très confidentiel. Mais notre conviction se portait sur le développement du café en grains, alors que c’était la période phare du portionné.***

 

Le Coffee Lounge : Parmi le panel d’activités que vous agrégez, quelle est celle qui vous surprend le plus ?

Lionel Galut : J’entends souvent dire que nous sommes des vendeurs de machines et accessoires, au même titre que Darty ou Boulanger. C’est vrai que nous figurons parmi les leaders de ce marché. Pour autant, je reste encore surpris -malgré le recul que nous avons maintenant- par les performances de vente du café en grains. Il y a un phénomène alignement des planètes indéniable puisque cela s’accompagne du boom des ventes de robots-broyeurs. On peut dire que le pari -osé du début- est finalement payant parce que le rapport capsules/grains actuel est de 1 pour 20. J’aouterai également que le public s’est épris du café en se formant de plus en plus. Ce qui n’était qu’une toute petite activité au lancement de MaxiCoffee est devenue un axe de développement important qui attire autant les particuliers que les professionnels. Je note avec satisfaction que les récents stagiaires formés en partenariat avec Pole Emploi ont tous trouvé un CDI dans le milieu du café. C’est une fierté de pouvoir aider des personnes en difficulté et éloignés du marché du travail.

 

Le Coffee Lounge : Votre succès n’était pas forcément programmé avec précision. Mais aujourd’hui, vous devez davantage planifier vos objectifs. Que souhaitez-vous développer ?

Lionel Galut : Notre ambition est de devenir aux yeux du grand public le spécialiste de l’univers du café. Cela comprend le produit, les équipements et les accessoires, sans nous limiter au marché français. Nous nous ouvrons également à l’International.

 

Le Coffee Lounge : Mais l’activité torréfaction au sein du groupe a-t-elle fait partie du projet dès ses débuts ?

Lionel Galut : MaxiCoffee (le groupe) existe depuis 1993, avec cette volonté d’apporter le meilleur café possible au consommateur. Quant au site web qui privilégiait, à l’origine (dès 2006), une diversité de torréfacteurs a accueilli notre propre torréfaction. Mais ce n’est pas moi, pourtant fils d’artisan, qui s’est mis derrière la machine. Aussi, j’ai préféré donner une chance à de jeunes talents qui n’avaient pas d’idées préconçues de ce que devrait être la torréfaction. A ce moment, fin des années 2000, le Café de Spécialité commence à creuser son sillon. On a ainsi pu créer une autre dynamique.

 

Le Coffee Lounge : Sans pour autant torréfier, vous assurez vous-même le sourcing de vos cafés. Pourquoi vous investir sur cette partie de la chaîne d’approvisionnement ?

Lionel Galut : C’est un plaisir immense. Il y a la nécessité de voir l’envers du décor, en allant constater moi-même ce qu’il se passe sur place. On rencontre les producteurs en direct, cela facilite le contact et l’envie de développer une action positive sur le travail des fermiers. On prend conscience des contraintes qui pèsent sur leur quotidien. Forcément, on porte une attention plus soutenue au respect du produit, dont les coûts de production sont importants. Cela nous motive à créer des partenariats sur le long terme avec les caféiculteurs, parce que grâce à cela, ils auront la possibilité d’avoir une meilleure visibilité sur leurs investissements. J’ai l’impression que nous portons avec eux le destin de la filière café.

 

Le Coffee Lounge : On perçoit une certaine émotion dans vos propos. Auriez-vous un exemple de relation avec des producteurs avec qui vous travaillez depuis longtemps ?

Lionel Galut : J’hésite entre la Colombie et l’Ethiopie. Il est vrai qu’à chaque fois que je vais en Ethiopie, je suis bouleversé. Ce pays n’en est que plus attachant parce que les gens sont vrais et purs. Peut-être parce que l’on devine chez ces peuples une extrême fragilité. Tout simplement parce que les prix ne sont toujours pas assez élevés pour que les fermiers vivent dignement de leur production. A chacune de ces visites, je sens que mon besoin d’équité dans le travail que je fais s’impose de plus en plus. Je crois malheureusement que ce niveau n’est toujours pas atteint. Il ne nous concerne pas uniquement, il faut que le consommateur soit aussi partie prenante de cette démarche équitable. Dans ce cas, il convient de trouver le bon curseur prix qui l’engagera à nos côtés.

 

Le Coffee Lounge : Quand allez-vous repartir ? Et où ?

Lionel Galut : La fin des restrictions dues à la pandémie sonne le retour dans les plantations. Nous repartons bientôt pour le Brésil et c’est un énorme plaisir puisque nous revenons sur les terres qui ont été les premières que nous avons sourcées. Il va y avoir le Pérou en Septembre et sûrement la Colombie en Octobre. Nous prévoyons d’aller à la rencontre des Kogis, un peuple autochtone d’agriculteurs. J’ai hâte de me rendre là-bas même s’il faut faire 7 heures de chemins à dos de mule pour s’y rendre. J’aurai l’occasion d’en parler à mon retour. Cependant à propos de Colombie, il me revient la rencontre avec la famille Gutierez de la Finca Monteverde qui produit du Gesha et du Wush Wush Coffee, des cafés d’exception. L’exemple de cette ferme est intéressant car en parlant avec les propriétaires, on apprend qu’ils ont décidé de s’initier au Café de Spécialité parce qu’ils n’avaient pas d’alternative financière à cause de la taille modeste de leur finca. Selon eux, faire le choix des variétés haut de gamme s’est imposé. Leur réussite plaide pour eux et ils se permettent désormais de mener des process expérimentaux, ce qui nous intéressait chez Cafés Lugat.

 

Le Coffee Lounge : Ce sont des relations qui s’installent dans le temps, comment expliquez-vous cela ?

Lionel Galut : Nous n’envisageons pas notre approvisionnement de cafés selon un autre mode que celui des partenariats de long terme. Nous les accompagnons, la confiance est établie et puis, nous assurons aussi nos futurs approvisionnements. Nous savons que l’avenir du café peut s’obscurcir à cause de pénuries que les bouleversements climatiques ont déjà engendré. D’autant que ce phénomène se conjugue à une demande de plus en plus conséquente.

 

Le Coffee Lounge : Quels types de projets sociaux ou sociétaux avez-vous accompagné ou mis en place par votre engagement comme torréfacteur ?

Lionel Galut : C’est un sujet qui m’a toujours animé. D’ailleurs, je rêve d’une fondation MaxiCoffee. Pour l’heure, ce type d’initiative n’a pas encore vu le jour. Pour autant, de façon indirecte, nous avons pu être soutien. Au Pérou, dans les prochaines semaines nous allons appuyer directement un programme de reforestation dans le cadre d’une démarche agricole en agroforesterie. Et nous le porterons grâce à notre marque Green Lion Coffee, afin de développer une production de café vertueuse. Car en toute responsabilité, nous sommes conscients que cette activité peut avoir un impact négatif sur les écosystèmes aux alentours, en l’absence de maîtrise. Enfin, nous nous intéressons vivement à l’acheminement des cafés par cargo-voilier. C’est un engagement que nous prenons en charge.

 

Le Coffee Lounge : Au fond, le café n’est qu’un prétexte aux rencontres. Ici ou ailleurs. Ne serait-ce pas les à-côtés d’un voyage pour sourcer qui lui donnent tout son sel ?

Lionel Galut : Ce que je trouve génial dans les voyages… ce sont les partages de la vie, en faisant découvrir nos cultures. J’adore que nous échangions nos univers respectifs. Je me souviens d’une anecdote sur les hauts plateaux du Wallaga, en Ethiopie, où nous avions partagé une dégustation de vin de Bordeaux avec les villageois. Cela reste un moment unique !

 

 

* En pays producteurs

** Torréfaction claire

***Café en capsules

 

Les programmes à découvrir chez MaxiCoffee

La formation des publics éloignés de l’emploi, avec l’Ecole de formation : https://urlz.fr/iABJ

Le projet de reforestation au Pérou : https://www.reforestaction.com

Accès général : https://www.maxicoffee.com

Finca Monteverde : https://www.instagram.com/monteverdefinca/?hl=en

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