Tendances & mode de vie

Commerce équitable : avec ou sans label ?

Il fallait bien que le sujet du commerce équitable s’invite dans le débat public autour du climat. Le projet de loi Climat et Résilience prévoit depuis le 10 février 2021* de renforcer la position du commerce équitable, en replaçant au centre du jeu la notion de label. Quelles perspectives se dessinent pour les acteurs de la filière café, notamment ?

Quelle différence y-a-t-il entre un achat direct au producteur et une transaction scellée sous le principe labellisé du Commerce Equitable ? Une large part de la cette distinction entre les deux approches se traduit sur le terrain.

Novembre 2019, Agaro (région de Djimmah – Ethiopie). Kalid Shifa est fier. Il fait visiter la station de lavage de café flambant neuve de sa ferme. Parmi les visiteurs, Christophe Servell, torréfacteur et fondateur de Terres de Café. Il constate le fruit des relations qu’il a noué sur le long terme avec ce producteur. L’investissement dans ce nouvel outil est aussi la résultante d’achats de café vert négociés pour que Kalid développe des projets afin d’améliorer ses pratiques agricoles mais aussi les infrastructures de sa plantation. Cette fierté est mutuelle et même très émouvante pour les deux protagonistes. Le lien de confiance né quelques années plus tôt se renforce et donne assez d’arguments pour poursuivre dans ces investissements où qualité du café, conditions de travail et infrastructures sont améliorées.

Ailleurs, sur un autre continent. Guatemala, Santa Maria Ixhuatan. La Finca La Rosona offre la possibilité aux ouvriers de la ferme et leurs familles d’accéder à l’eau potable par l’acquisition d’Ecofiltres.

88 Graines est une société d’importation dont la raison d’être est l’achat en direct de variétés de café vert et le soutien à des programmes sociaux et sociétaux. Dans ce cas, la juste rémunération aux producteurs est au coeur du projet des deux fondatrices de 88 Graines.

Deux exemples, deux notions de Commerce Equitable. Et pourtant ni l’une ni l’autre n’arbore le moindre label reconnaissant l’action de durabilité. Peu importe puisque le résultat est tangible.

 

Vers une obligation de label ?

L’apparition du concept de Commerce Equitable sous le patronyme Max Havelaar remonte à 1988 aux Pays Bas.

Depuis, cette philosophie visant à améliorer les conditions de vie des paysans dans le monde s’est propagée, faisant des émules par l’adhésion au label Fairtrade. Dans l’univers du café, la popularité labellisée est celle des cafés Malongo qui a servi la cause en investissant dans une large communication grand public. Cependant, le modèle est parfois remis en question par certains détracteurs qui reprennent les agissements indélicats de négociants soi-disant labellisés et qui compriment les prix d’achat en-deçà des coûts de production des fermiers.

Pour Blaise Desbordes (directeur général France Max Havelaar), dans une interview parue dans la revue Gourmet Cup, il était important de revenir sur des pratiques et une philosophie : « L’action se base sur deux piliers essentiels : la sécurité et la capacité à investir dans l’avenir. C’est garantir un prix minimum obligatoire qui est calculé au-dessus du coût de production des fermiers. C’est aussi réserver une prime sociale de développement Fairtrade -en moyenne 10% en plus du prix minimum- qui permet de financer des projets collectifs ».

Et de défendre par la communication des chiffres suivants : « En 2018, 84 millions de dollars ont été versés à plus de 582 organisations de caféiculteurs ».

D’autres visions émergées depuis Max Havelaar, avec des labels se revendiquant du Commerce Equitable. La suite devient législative, car il sera bientôt illégal de brandir l’argument du Commerce Equitable sans adhérer à un label. C’est ce que prévoit la Loi Climat et Résilience avec deux mesures clés :

  • « Compléter la définition légale du commerce équitable posée par la loi ESS de 2014, en intégrant l’objectif d’investissement dans l’agroécologie et la protection de la biodiversité (facteurs décisifs de résilience et de stratégie carbone)» ;
  • « Rendre obligatoire le recours à un label pour les entreprises se revendiquant du Commerce Equitable, en s’appuyant sur une reconnaissance publique de ces derniers ».

 

 

*Entrée en vigueur le 1er Janvier 2023

 


 

Comment définir le Commerce Equitable ?

On en comprend le sens grâce à la notoriété acquise par le mouvement. Mais, selon l’article 94 de la loi ESS (Economie Sociale et Solidaire) de 2014, il existe une définition légale. En voici les contours.

  • Des prix rémunérateurs pour les producteurs, basés sur les coûts de production et une négociation équilibrée
  • Un engagement commercial pluriannuel entre les producteurs et les acheteurs
  • Le versement d’un montant supplémentaire destiné au financement de projets collectifs
  • Une autonomie des producteurs grâce à la mise en place d’une gouvernance démocratique dans leurs organisations
  • La transparence et la traçabilité des filières
  • La sensibilisation des consommateurs à des modes de production socialement et écologiquement durables

 

Les autres labels Commerce Equitable

SPP : Symbole des Producteurs Paysans (http://spp-france.fr)

Fair for Life : Entreprise Ecocert créée en 1991 (www.ecocert.fr)

Biopartenaire : Association professionnelle d’agriculteurs (www.biopartenaire.com)

Ates : Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire (www.tourismesolidaire.org)

Agri-Ethique : Organisation chargée de construire des filières agricoles équitables en France (www.agriethique.fr)

Max Havelaar France : Chapitre français de l’organisation internationale (www.maxhavelaarfrance.org)