Culture café

Vers un renouveau du café du Cameroun

Tombée à 25 000 tonnes par an, la production de café n’a jamais été aussi faible. Une prise de conscience collective et privée semble redonner des perspectives encourageantes à la filière. Comptant sur l’appui des Cafés Engagés, une association française, une montée en gamme et en compétences est en marche.

Présent lors de la dernière édition du Paris Coffee Show, le CICC (Conseil Interprofessionnel du Cacao et Café) est venu donner aux torréfacteurs de France une idée des perspectives qu’entrevoit la filière du café camerounais. Et c’est tout un programme.

« D’ailleurs, avec New Generation Coffee, le CICC a mis en place une stratégie de reconquête de la filière par la jeunesse » témoigne Yves Abissi (responsable communication du CICC). Car de l’aveu des représentants de ce conseil qui réunit des opérateurs privés du café et cacao : « La production de café avoisinait les 130 000 tonnes annuelles, jusqu’à ce qu’elle s’effondre à 25 000 tonnes ». Triste constat. Celui-ci étant corroboré par un audit sociologique édifiant : « La moyenne d’âge des producteurs de café est d’environ 60 ans et les vergers de café* sont tout aussi vieillissant » constate Yves Abissi. Le but de ce programme est de redonner un coup de jeune à la filière en lui apportant les outils pour réussir. Comme cela a déjà été initié il y a quelques années avec l’industrie du cacao camerounais. New Generation consiste à sélectionner de jeunes et futurs producteurs, bien éduqués. Pour Yves Abissi : « Nous allons construire une histoire en restructurant cette filière. Nous devons remettre le café au centre du village, comme le feu peut l’être ». Cette urgence est d’autant plus impérieuse que les responsables de la filière ont dû faire face à un double dommage : une rétrogradation de sa production d’Arabica alors que celle-ci rivalisait il ya quelques décennies avec celle de l’Ethiopie et un désintérêt des autorités pour le café. Revenir dans la course nécessite de l’aide, c’est une certitude. Car si la filière entend se développer grâce au sang neuf apporté par les jeunes producteurs, elle doit leur offrir un niveau de vie décent et des perspectives d’évolution par la formation et l’accès à différents niveaux de compétences (produire, torréfier, cupper). Mais comment faire ?

 

Les Cafés Engagés entre en scène

Il y a une quinzaine d’années, un audit de la situation faisait état d’une urgence à relancer cette filière du café : tant en matière de pratiques agricoles, que de méthodes post-récoltes ou de connaissances sur le métier. Avant que l’État camerounais ne se se désintéresse de la filière, les producteurs de café étaient largement accompagnés. « Au point de ne rien maîtriser… comme le moment de la récolte par exemple » révèle Yves Abissi. Tout cela appartient au passé.

Dans le sillage de ce que le CICC a mené avec le cacao, il s’agit de reproduire une initiative similaire. Les chocolatiers français se sont engagés concrètement à revivifier la filière. C’est alors qu’Éric Benchetrit (torréfacteur à Orléans et membre du Collectif Café) s’intéresse au projet. Répondant à l’appel de son ami Daniel Mercier (président des chocolatiers français), il prend fait et cause pour cette histoire : « Au départ, je ne savais pas comment intervenir, j’ai partagé la réflexion avec David Serruys, le président du Collectif Café et très vite nous avons été accueillis sur place à visiter les plantations, rencontrer les autorités locales et même nationales… un nouveau challenge prenait forme » explique Éric, avec un enthousiasme communicatif.

Mais sur place, le constat est brutal. Presque tout est à faire. « En tous les cas, mes conclusions recoupent l’audit réalisé il y a 15 ans sur la situation… preuve que rien n’avait été fait » déplore-t-il. Mais la différence est de taille, lui et David ont la certitude que les volontés sont là. Et on s’appuie sur le précédent positif vécu dans la filière cacao.

Le projet se concrétise et devient pour la partie française Les Cafés Engagés. En résumé, il s’agit d’une association qui va fédérer des torréfacteurs. « Le but est d’intéresser les collègues au café camerounais, sans pour autant court-circuiter le rôle des importateurs » prévient Eric Benchetrit. Les Cafés Engagés devrait apporter une expertise pour améliorer la production dans les plantations, de la formation et soutenir la filière par des compétences à chaque domaine spécifique. « Mais il convient aussi de permettre aux torréfacteurs de venir découvrir sur place le café camerounais » appuie Yves Abissi pour qui : « il est indispensable que ces professionnels aient une histoire de nos terroirs à raconter ». Chacun s’accorde sur ce point : le potentiel est énorme, d’autant que selon le recensement toujours en cours, ce sont au moins 55 000 fermiers qui sont concernés par la culture d’Arabica et même de Robusta.

 

*Vergers de café = superficie d’environ 1 hectare

 

« Nous devons remettre le café au centre du village, comme le feu peut l’être » Yves Abissi (responsable du CICC)

« Intéresser les collègues au café camerounais » Éric Benchetrit (Les Cafés d’Éric à Orléans)

« Une histoire de nos terroirs à raconter » Yves Abissi

 

A propos du café du Cameroun

Les régions qui forment la production caféière du pays :

Bassin Moungo (littoral) : jusqu’à 800m d’altitude – production de Robusta

Bassin de l’Est (est) : jusqu’à 1 000m d’altitude – production d’Arabica et Robusta

Bassin des hauts plateaux (ouest) : jusqu’à 2 000m d’altitude – production de Robusta

Bassin du Noun (ouest) : jusqu’à 1 600m d’altitude – production d’Arabica et Robusta

Bassin des High Lands (nord-ouest) : jusqu’à 1 000m d’altitude – production d’Arabica

Bassin de Muambong (sud-ouest) : jusqu’à 800m d’altitude – production de Robusta

 

 

Le café camerounais en chiffres

6 régions caféières

55 000 producteurs au moins (jusqu’à 400 000 estimés)

Production annuelle : 25 000 tonnes

Âge moyen du producteur : 60 ans

Surface moyenne d’un verger de café : 1 hectare

Rendement annuel moyen d’un hectare : 300 à 400 kg de café (comparé au rendement d’1 hectare au Brésil : 1,5 tonne)

 

 

 

 

Légendes photos :

Crédit David Serruys

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