La meilleure expérience de café commence ici
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Histoires et interviews
A deux, (avec Jolanta Czerminska), elles fondent 88 Graines, société d’importation-exportation de Café de Spécialité. Nous sommes en 2018. La démarche sociale, économique et environnementale de leur projet séduit petit à petit. Leur credo : établir un lien de confiance entre les producteurs et les clients torréfacteurs.
Coffee Lounge : Pouvez-vous nous présenter en quoi consiste le projet 88 Graines ?
Agata Pudelek : Jola (qui vit au Guatemala) et moi-même avons créé un nouvel acteur dans le sourcing de café vert basé sur trois axes : l’Economie, le Social et l’Environnement. Nous l’avons nommé multidimensionnel. Par cette approche, nous avons mis en place un modèle viable autant pour les producteurs, les torréfacteurs que nous-mêmes. En tout cas, nous l’espérons.
Nous travaillons en direct avec les producteurs, ce qui facilite la transparence que nous revendiquons sur nos cafés et les histoires sincères qui accompagnent les origines que nous sélectionnons.
Notre travail est traversé au quotidien par une certaine éthique qui peut se résumer ainsi : savoir d’où vient vraiment notre café, s’assurer que la rémunération profite directement aux producteurs et faire en sorte de promouvoir de nouvelles fermes ou ce que l’on appelle ‘des petites pépites’. Autrement dit des micros ou nano-lots.
En toute modestie, nous essayons d’apporter notre pierre à l’édifice.
Coffee Lounge : Pourquoi avoir choisi l’importation de café vert plutôt que la torréfaction par exemple ?
Agata Pudelek : C’est un choix personnel. Avec la torréfaction, nous sommes davantage destinés à nous adresser à un marché local. Avec cette limite fondamentale qui consiste à être sédentaire. Nous voulions développer une idée qui était proche de nos aspirations de toujours : les voyages, le contact, les cultures et une proximité avec les terroirs. En résumé, il fallait trouver un projet qui nous mette en relation avec les origines d’un côté tout en créant du lien fort avec les clients de l’autre (donc les torréfacteurs). L’importation de café vert s’est alors imposée.
Coffee Lounge : Comment choisissez-vous les projets de Développement Durable qui accompagnent le sourcing de vos cafés ?
Agata Pudelek : Pour le café, tout dépend ce que nous entendons par Développement Durable. Car là où nous sourcons (Guatemala, Bolivie…) la préoccupation première des populations est d’abord de se nourrir. Cette notion de Développement Durable ne peut exclure l’obligation de garantir un revenu fixe et surtout digne du travail fourni par les producteurs. Ceux-ci ont besoin de nourrir leurs familles et d’apporter de l’éducation aux enfants.
Autre point : le Développement Durable se rapporte aux plantations elles-mêmes. On imagine qu’il est nécessaire de soutenir la recherche de nouvelles variétés de café plus résistantes aux conditions dictées par le réchauffement climatique. Mais ce sont des investissements pour le futur. En attendant, on assiste à une conversion des pratiques agricoles plus responsables. Néanmoins, elles sont prudentes car les dangers de maladies comme la rouille guettent et peuvent ravager toutes les plantations et créer une catastrophe économique pour les producteurs et leurs familles. La Durabilité est donc une question délicate.
Malgré cela, nous constatons des initiatives en agroforesterie avec la préservation d’ombrages naturels. Ajoutons à cela une certaine fierté ressentie de la part des fermiers à tout faire pour protéger un patrimoine que les générations précédentes leur ont légué.
Coffee Lounge : Quelle place occupe l’humain dans votre travail avec les producteurs ?
Agata Pudelek : Sans humain le Café de Spécialité n’existerait pas. Déjà parce que les cafés qui répondent à cette catégorie et que nous sourcons sont récoltés à la main et parfois dans des conditions extrêmement difficiles que les configurations locales imposent. Il ne peut y avoir dans ce cas que la main de l’Homme pour assurer toutes les étapes de la production de café : récoltes, process, stockages, mises en sacs… Bref, on retrouve l’humain sur toute la chaîne d’approvisionnement.
Et c’est aussi le lien de confiance que nous tissons avec les producteurs, mais pas uniquement. Nous créons également cette même relation avec nos clients torréfacteurs. Nous sommes loin d’un modèle de type e-commerce et des algorithmes. En réalité, nous dialoguons, nous trouvons des solutions pour résoudre des problématiques d’approvisionnement.
Nous essayons de créer du lien depuis la plantation jusqu’à la tasse. Le café reste au final source de convivialité.
Coffee Lounge : Comment s’y prend-on pour imposer son point de vue dans un univers café très embouteillé ?
Agata Pudelek : Nous nous sommes d’abord concentrées sur l’ouverture de marché où nos entrées étaient plus naturelles, comme la Pologne ou l’Angleterre. C’était déjà bien pour amorcer notre travail. Puis, petit à petit, à force de rencontres, dégustations et d’explications, le discours a fini par passer. Nous apportons une solution de plus bénéfique pour la concurrence. Finalement tout le monde doit y gagner, jusqu’au consommateur final. Je pense qu’il est important pour les torréfacteurs de diversifier leurs sources d’approvisionnement.
Nous arrivons à nous imposer, on le voit par le développement de nos clients. C’est un co-développement qui nous fait plaisir. C’est un indicateur !
Coffee Lounge : Où trouve-t-on des cafés 88 Graines en France ?
Agata Pudelek : Chez un certain nombre de torréfacteurs comme KB Coffee Roasters à Paris, Placid à Lyon, Omnino à Strasbourg, Coffee Makers à Lille, Cime à Nantes, Chazal Café à Clermont-Ferrand,
Toumbouca café… Cafés Muda à Lille, Perla Negra à Escalquens, Torréfaction Papillon à Lyon, Cafés Windara sur l’Île de Ré, Café Buki à Paris, Café Chulo à Grenoble, Dose à Paris et d’autres…
Chaque torréfacteur a sa vision et sa stratégie. Par exemple, Torréfaction Papillon nous a contactées car ils étaient à la recherche d’une production féminine de cafés. C’est ce que l’on a pu leur apporter.
Coffee Lounge : Quels sont les projets de café vert en cours de développement chez 88 Graines ?
Agata Pudelek : Nous travaillons sur des engagements sociaux et environnementaux… C’est ce que nous faisons depuis quelques années avec Coffee Co-Changers au Guatemala où nous aidons à la mise en place de dispositifs de gestion des déchets.
Par ailleurs, en partenariat avec Coffee Desk (torréfacteur polonais), nous souhaitons développer une plateforme de ‘changements sociaux’. Les torréfacteurs pourront y participer et ainsi s’engager.
Coffee Lounge : Les récents festivals de café ont été l’occasion de montrer la qualité de votre travail. Quel a été l’accueil des professionnels qui vous ont découvert ?
Agata Pudelek : D’abord, on a beaucoup apprécié de pouvoir partager à nouveau en direct nos cafés avec les gens. C’était bénéfique pour le moral.
Et aussi nous avons été enchantées de présenter nos pépites, dont un grand succès sur la Cascara de Gesha et Caturra qui a donné lieu à la création d’une boisson imaginée par Dajo Aertssen de Cafés Muda.
Coffee Lounge : Vous aimez parler de pépites comme des petits trésors. En fait pourquoi ?
Agata Pudelek : On parle de cafés solides par leur qualité, leur traçabilité avérée et la fraîcheur. C’est aussi notre capacité à trouver des cafés que les autres n’ont pas du fait de notre bonne connaissance du terrain. Par exemple au Guatemala, nous pouvons présenter 70 cafés différents en variété Gesha. Ceci démontrant que le Panama n’est pas la seule origine du Gesha.
Je pense aussi à cette merveilleuse récolte La Guaca au Costa Rica, avec un Red Catuai en fermentation Honey.
Et ces pépites concernent d’autres origines que nous sourcons : Panama, Brésil, Honduras, Costa Rica, Bolivie et bien entendu Guatemala. Pour l’instant, nous ne sourcons qu’en Amérique latine, nous envisageons d’importer des cafés africains, c’est en cours de réflexion. Mais toujours en gardant notre approche : faire découvrir de nouveaux producteurs, avec des cafés haut de gamme et des projets d’engagements sociaux.
Nous travail est reconnu, des baristas ont utilisé nos cafés pour se hisser en finale des récents championnats de Pologne. C’est une fierté.
88 Graines, en bref
Jola et Agata (40 ans toutes les deux) ont créé 88 Graines en 2018, après avoir vécu des expériences professionnelles distinctes.
La première travaillait depuis quelques années dans l’univers du Café de Spécialité en Australie et s’est ensuite installée au Guatemala pour vivre au plus près des plantations de café.
La seconde connaissait les arcanes de l’entrepreneuriat et des développements internationaux grâce à son parcours dans un fonds d’investissements. C’est cette conjonction d’expériences et de compétences acquises et complémentaires qui ont ouvert la voie à 88 Graines.
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