Histoires et interviews

Qu’est-ce qu’un torréfacteur engagé ?

Mister Bean, artisan-torréfacteur versaillais, a installé son atelier dans un ESAT. Le Coffee Lounge s’y est rendu afin de rencontrer Mikael Fock Yee, son fondateur, qui parle de son histoire et de son engagement. Depuis ses achats de café jusqu’au packaging. Solidaire, pragmatique et stratège.

Coffee Lounge : Pouvez-vous nous décrire l’endroit où vous nous accueillez ?

Mister Bean : Nous sommes dans l’atelier de torréfaction à l’ESAT Gustave Eiffel d’Andrésy à l’ouest de Paris. Là, nous entendons le torréfacteur « Loring » tourner, d’ailleurs il va bientôt biper pour lâcher le café torréfié dans le refroidisseur. Tout se fait automatiquement.

 

Coffee Lounge : Pourquoi insister sur le côté automatique de votre machine à torréfier ?

Mister Bean : Nous avons créé avec Vincent Ballot (Meilleur Ouvrier de France Torréfaction 2018) les nouvelles recettes et les courbes de torréfactions de nos cafés. Quel que soit l’opérateur qui prend la machine en main, il n’a plus qu’à reprendre la courbe pré-enregistrée et se laisser guider. Ce qui fait qu’un travailleur en situation de handicap peut s’en sortir sans problème.

 

Coffee Lounge : Tout est automatisé, mais avec un minimum d’encadrement tout de même ?

Mister Bean : La personne qui est affectée à la torréfaction est suivie par un moniteur qui contrôle le travail. Il doit être présent à chaque étape pour vérifier les process. Mais à part cela, le travailleur est indépendant. Ce qui permet de le responsabiliser quel que soit le poste occupé et cela l’aide à se l’approprier.

 

Coffee Lounge : Pouvons-nous dire que ces travailleurs en situation de handicap connaissent les principes de la torréfaction ?

Mister Bean : Je dirais même qu’ils les connaissent mieux que nous. Déjà dans l’utilisation quotidienne de la machine, parce qu’ils sont capables de nous indiquer de quelle manière il faut résoudre tel ou tel problème rencontré. C’est aussi parce qu’ils passent plus de temps que nus derrière l’outil.

 

Coffee Lounge : Quel rythme de travail, ces salariés qui soutiennent le projet Mister Bean suivent-ils ?

Mister Bean : Ce sont des contrats normaux : 35h de travail par semaine. Et, depuis la reprise, nous torréfions tous les jours. Nous devons servir les entreprises qui constituaient 90% de notre clientèle. Si bien que le Covid a eu un effet brutal sur notre activité. Nous avons été obligés de procéder à un développement de marché, celui des particuliers. La bascule se fait plutôt bien.

 

Coffee Lounge : Comment cela se traduit-il ?

Mister Bean : Cela a commencé par la refonte de la boutique à Versailles, le site web et aussi une distribution via les Biocoop et autres réseaux de magasins spécialisés. Le B to B qui était le projet de départ devient donc B to B to C. La leçon que nous avons tiré du Covid est surtout de ne pas mettre ses oeufs dans le même panier. Ironie de l’histoire, lorsque nous vous lancé Mister Bean en 2008, alors que nous décidions de nous positionner sur le marché des entreprises, nous nous sommes dit ce qui pourrait nous arriver de pire, serait le télétravail généralisé…

On sait désormais que ce modèle devrait se poursuivre sur la base de 2 jours par semaine en moyenne. Alors on s’adapte.

 

Coffee Lounge : Pour revenir au partenariat avec l’ESAT, depuis quand torréfiez-vous 100% de votre production dans cet atelier ?

Mister Bean : En novembre 2018, nous avons reçu le torréfacteur que nous avons monté nous-même. A part le gaz et l’air comprimé qui ont été réalisé par des professionnels.

Mais l’histoire de ce partenariat remonte à bien plus longtemps. En 2013, alors que nous torréfions encore à la boutique, l’ESAT nous a démarchés pour nous proposer ses services de conditionnement. On a accepté, car faisant tout nous-mêmes, nous étions débordés de travail en temps et en surface de stockage. Très vite, nous avons installé notre plateforme logistique à Andrésy, mais dès le début nous discutions d’y faire venir la torréfaction. Il y a eu des réticences, notamment à l’utilisation du gaz ou à la capacité des travailleurs handicapés à torréfier. Et puis au fil des mois, elles ont été levées petit à petit. Cela concernait aussi le port de charge (fréquent avec les sacs de café de plus de 30kg), mais là encore, nous avons tout mis en place pour leur éviter cette pénibilité grâce à l’utilisation de transpalettes et l’automatisation des étapes comme celle du remplissage de la trémie du torréfacteur.

De l’arrivée du café vert jusqu’au conditionnement, les travailleurs n’ont jamais plus de 10kg à porter.

 

Coffee Lounge : Quel est l’autre pendant de l’engagement solidaire selon Mister Bean ?

Mister Bean : C’est le sourcing de nos cafés et une empreinte écologique la plus faible possible. Nos sachets sont en papier recyclé, la torréfaction ne rejette pas de CO2 grâce à un système intégré au Loring. Notre approche est de faire en sorte que notre production soit la plus équitable possible. Pour les producteurs, pour les travailleurs handicapés, pour les salariés de Mister Bean et pour le consommateur. De plus, nous insistons sur un principe : nos cafés ne doivent pas être élitistes.

 

Coffee Lounge : Quel discours arrivez-vous à tenir vis-vis-vis des entreprises qui vous font confiance et en boutique face aux consommateurs ?

Mister Bean : Nous avons pu tester notre argumentaire au salon des Office Manager. Déjà, depuis plus de 10 ans que nous existons, nous avons une certaine notoriété. C’est déjà cela. Nous renforçons notre discours, notamment avec une production Bio et équitable à plus de 90%. Les entreprises en profitent pour soutenir notre engagement et entrer dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise).

 

Pratique

Mister Bean, c’est une dizaine de cafés bio, relevant du commerce équitable (Fairtrade et SPP – Symbole Producteurs Paysans) proposés à des tarifs maîtrisés. L’entreprise s’engage et devient également B-Corp.

Site Web : https://misterbean.fr

Articles connexes