Tendances & mode de vie

Re-Naissance d’une espèce de café ?

Arabica, Robusta et Liberica (beaucoup plus rare) sont les trois espèces connues. Depuis quelques jours, un nouveau Coffea est né : le Stenophylla. Le Cirad* de Montpellier en a rédigé le faire-part de naissance 5 mois après une dégustation qui réunissait des professionnels afin d’en évaluer les aspects sensoriels et son potentiel de développement pour les producteurs. Quel enseignement faut-il tirer de cette promesse ?

La recherche avance. C’est toujours une excitation non feinte que de découvrir de nouveaux cafés. Souvent générés par des variétés inédites, remises au goût du jour ou des hybridations. Toutes sont issues de l’Arabica, pour les cafés les plus fins. Pour les autres types, on se réfère à cette espèce moins délicate, mais plus résistante aussi : le Robusta.

Mi-Avril, le Cirad a annoncé la redécouverte d’une espèce de Coffea, le Stenophylla. Ceci grâce notamment au Centre de ressource biologique Coffea.

Bonne nouvelle pour les amateurs et professionnels, elle offre, en effet, des perspectives prometteuses de développement. Car de cette espèce, d’autres variétés pourront voir le jour.

Or, dans un contexte où la demande mondiale soutenue par la spectaculaire hausse de consommation chinoise, les effets du dérèglement climatique et la pression exercée sur les prix d’achats aux producteurs, l’enjeu d’une raréfaction des approvisionnements en arabicas peut devenir tout autre, sans pour autant tourner le dos à l’espèce la plus prisée par la communauté du Specialty Coffee.  Les prévisions de forte pénurie d’ici à 2050 ont fait florès en son sein. « Il y a une inquiétude de ce genre, si l’on n’agit pas et ce n’est pas trop tard » tempérait néanmoins en 2019, Tim Schilling (fondateur du World Coffee Research) dans un entretien au magazine Gourmet Cup. Soulignant son travail de recherche sur les hybridations en collaboration avec le Cirad, il pointait les résultats obtenus sur de nouvelles variétés F1, plus résilientes et plus aptes à soutenir les effets d’un réchauffement climatique déjà entamé dans les zones caféières. L’alternative proposée par le Stenophylla arrive opportunément, laissant présager un espoir pour tous les amateurs de café.

 

Arabica haut de gamme ?

L’enjeu est colossal, car il pourrait permettre au marché du café de supporter la demande qui repose actuellement sur les deux espèces les plus commercialisées (Arabica et Robusta, Liberica représente 0,1% du marché). Cette répartition de la pression des pays consommateurs sur une troisième espèce peut aussi aider à la pérennisation d’une production d’excellents cafés et qui peuvent s’adapter aux conditions de plus en plus difficiles. « L’intérêt d’exploiter ces nouvelles espèces réside dans leur capacité à résister à un climat plus chaud et à la rouille du caféier » pointe avec optimisme le Cirad. Rappelons que le réchauffement climatique perturbe principalement le rythme de croissance des cerises de café. Soit par l’apparition de violentes intempéries, soit par un développement trop précoce des grains les empêchant de s’enrichir suffisamment en nutriments, soit par l’attaque de maladies qui ravagent les caféiers.

Le Stenophylla a été redécouvert par les scientifiques, alors que l’espèce sauvage et menacée présente en Afrique de l’Ouest démontre des qualités gustatives et sensorielles proches des grands crus d’arabicas. C’est ce que semblent avoir conclu l’aréopage de goûteurs professionnels lors d’une séance de dégustation qui a réuni autant les acteurs du Café de Spécialité (L’Arbre à Café, Belco…) que certaines grandes enseignes (Nespresso, Starbucks…). Car si le café vaut la peine gustativement, il mérite en effet d’été confirmer d’un point de vue agronomique. C’est ce qu’il l’attend à l’occasion d’une prochaine où le Stenophylla devrait mis en conditions réelles en Sierra Leone. Le croisement des expérimentations devrait se poursuivre dans d’autres zones de production de cafés.

Un caféier pouvant se cultiver à une température annuelle moyenne de 25°C, donc compatible avec les exigences climatiques en évolution et capable de produire des cafés dont les résultats en tasse sont très haut niveau, alors tous les espoirs sont permis.

 


 

De cette espèce, d’autres variétés pourront voir le jour :

« L’intérêt d’exploiter ces nouvelles espèces réside dans leur capacité à résister à un climat plus chaud et à la rouille du caféier »

 

Des qualités gustatives et sensorielles proches des grands crus d’arabicas

 

 

*Cirad = Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

 


 

Qu’est-ce que le CRB Coffea ?

Le Centre de ressources biologiques Coffea regroupe 35 espèces de caféiers sauvages. Elles sont conservées dans une Cryo banque de semences pilotées par l’IRD à Montpellier. En parallèle, le travail trouve sa continuité dans les champs de caféiers situés au sud de l’île de la Réunion.

 


 

A propos du Stenophylla

Tout comme ces espèces sauvages, le Stenophylla n’est pas exploité commercialement parce qu’il est menacé d’extinction. Jusqu’en 2018, ce dernier n’avait pas été aperçu à l’état sauvage depuis 1954. Il est aujourd’hui quasiment disparu et inscrit à la liste rouge des espèces menacées.

Pour empêcher la disparition de ces espèces végétales (dont le Stenophylla fait partie), à travers un programme d’amélioration variétale du caféier, le CRB Coffea préserve plus de 700 génotypes de caféiers.

 


 

L’avis du professionnel du Café de Spécialité

Emmanuel Buschiazzo (co-fondateur de La Claque et High Five Coffee) a fait partie du panel e dégustateurs qui ont eu la primeur de cette nouvelle espèce. Il nous fait part de sa réaction enthousiaste.

« Coté expérience personnelle de dégustation : on peut le différencier ce Stenophylla du robusta notamment grâce à une qualité autrement supérieure. C’est vrai, il propose un profil qui se rapproche des arabicas. On peut déjà dire que c’est une tasse équilibrée et très agréable, sans arrière goût ni amertume, ni acidité déséquilibrée. J’ai noté -et c’est très important pour moi- un côté sucré.

Son profil se situe entre l’Arabica et le Racemosa d’Afrique du sud, avec ses notes épicées et végétales intenses. Mais tout en étant beaucoup plus subtile.

Le potentiel est vraiment énorme, l’arbre peut vivre et se développer à des températures plus élevées que l’Arabica. Et avec les perspectives climatiques des prochaines années, c’est une véritable bonne nouvelle ».

 

Profil de dégustation : Douceur naturelle, Acidité moyenne, Note fruitée et texture agréable en bouche agréable, Notes florales de jasmin, fleur de sureau et rose, Notes végétales originales