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Constantinople, La Mecque, Le Caire… Péripéties aux origines du café

Bien de consommation courante aujourd’hui, le café a été le vecteur de nombreux fantasmes. Surtout dans les premières décennies de sa propagation auprès des populations le découvrant. Effets du breuvage, visite des premières maisons de café, diffusion d’un pays à l’autre, interdictions, Antoine Galland, ambassadeur de France à Constantinople, nous guide sur les routes du café. Nous sommes au milieu du 17è siècle.

« De l’Origine et du progrès du café » raconte tout. C’est l’un des premiers ouvrages qui est dédié au café. A une époque où déjà où les questionnements sur le chocolat et les épices font florès dans la bourgeoisie française. Les explorateurs rapportent de leurs découvertes tant à goûter qu’à rêver. Avec le café, Antoine Galland attise ces curiosités pour ces richesses du bout du monde. Et l’inconnu nous transporte à Constantinople. Cet opuscule est d’ailleurs dans la chronologie un avant-goût des Mille et Une nuits.

Grâce à monsieur l’ambassadeur, Antoine Galland rapportant la lecture qu’il eut d’un manuscrit arabe appartenant à la Bibliothèque du Roi (Louis XIV), on sait avec précision d’où vient le mot café et sa signification. « Il vient de Cahveh, comme le prononcent les Turcs ». Pour les Arabes, il s’agira de « Cahouah ou cahueh ». Ce mot tant connu tient sa signification suivante : « avoir un dégoût de manger, n’avoir point d’appétit ». D’ailleurs, le verbe servant à donner cette définition est le même que celui utilisé pour le vin. Déjà, les similitudes entre les deux boissons pointaient. A l’époque les Mahométans diront qu’il existe trois espèces de café (on ne parle pas là de botanique) : « le vin et toutes les boissons qui enivrent, la seconde se fait avec les gousses (les enveloppes qui renferment le fruit), la troisième espèce est celle qui se fait avec la fève que porte l’arbre* ».

 

Le café interdit !

Le manuscrit arabe de la Bibliothèque du Roi fait mention d’une note surprenante. Ceci montrant à quel point la question du café était importante. Extrait du second chapitre du manuscrit : « Dans le second, il fait le récit d’une assemblée des gouverneurs, des docteurs de la loi,, et des principaux officiers de Justice de La Mecque, dans laquelle le café était déjà fort en usage, fut mis au nombre des choses interdites dans la religion musulmane ».

 

La cause serait-elle dans une désaffection de la fréquentation des mosquées au profit des maison de café ?

Mais au milieu de ces appropriations politiques, il faut bien reconnaître que le café a pu faire aussi l’objet de louanges. Géographiquement, on se situe au cœur de l’Arabie heureuse (Yémen). On découvre que le breuvage aurait pu servir de potion guérisseuse. Ne découvre-t-on pas alors la question de ses propriétés ? « Il remarqua alors que le café avait des propriétés particulières, comme la pesanteur causée par les fumées qui montent à la tête, d’égayer l’esprit, de donner de la joie, de rendre les entrailles libres et surtout d’empêcher de dormir sans en être incommodé ». Néanmoins le café est resté interdit à Constantinople, au Caire ou encore à La Mecque. Alors que depuis son introduction à Aden (Yémen) rien n’en empêcha la propagation encore moins la consommation.

 

On retient, par exemple aujourd’hui et ici, que le café est un prétexte à la rencontre, à la discussion ou au souhait de passer un moment de convivialité. D’ailleurs les lieux qui en font leur objet principal ne nous ont-ils pas manqués durant les restrictions ?

Bien des siècles en arrière, le rôle du café avait déjà trouvé son essence. Antoine Galland écrit à ce propos : « on ne le prenait que pour avoir un prétexte de passer le temps agréablement. On y jouait aux échecs et au mancalah (…) même pour de l’argent, ce qui n’est pas ordinaire chez les Mahométans. L’on y chantait, l’on y jouait des instruments et l’on y dansait ; toutes choses que les Mahométans n’apportent pas dans leur religion ». Ces lieux-là durent fermer leur porte sous la pression des officiers de Justice de La Mecque.

Après de nombreuses interdictions autant de fois contredites au gré des pouvoirs, on constate cependant que le café s’impose. Au point qu’à Constantinople, les artisans du café (ceux qui pilent et broient la matière) ont l’obligation de suivre les conquêtes menées par le sultan. Rien ne pouvait excuser que le café vint à manquer entre deux batailles. Voilà, sans doute, pourquoi les Ottomans, après le siège de Vienne (Autriche) abandonnèrent des quantités de café aux habitants après le retrait précipité des troupes du Sultan en 1683.

 

* Les Arabes l’appellent l’Arbre à Bunn

 

De l’origine et du progrès du café – Antoine Galland – Collection L’écrivain voyageur – La Bibliothèque